de Julius Evola
Une doctrine aryenne
Bien entendu entre ce que Siddharta a prêché et projeté et ce qu'est devenu
par la suite le bouddhisme il y a une marge, souvent énorme, parfois proche de
la trahison. Troublante est la référence constante à la qualité aryenne de la
doctrine car elle est faite pour la "race de l'esprit" qui naturellement ne
peut être que celle de Siddhârta, ksatriya (caste des guerriers et des
princes), il semblerait que la plupart des traducteurs occidentaux des textes
originaires pâlis omettent carrément de traduire le terme fréquemment employé
de "ariya". Du temps de Siddharta mille ans ce sont écoulées depuis l'invasion
aryenne, il est possible que le terme est perdu une partie de son sens
discriminatif un peu à la manière de franc, franche qui vient de franc,
franque. Lui même déclare : "Je descends de la dynastie solaire et je suis,
par naissance, un Çâkya (ksatriya)". Par ailleurs le vocabulaire est influencé
par cette appartenance de caste : "or cette noblesse aryenne et cet esprit
guerrier se reflètent dans la doctrine même de l'éveil. L'assimilation de
l'ascèse bouddhique à la guerre, et des qualités de l'ascète aux vertus du
guerrier et du héros, est extrêmement fréquente dans les textes canoniques :
"ascète luttant avec une poitrine combattante", "avancée avec les pas du
combattant", "héros vainqueur de la bataille", " suprême triomphe de la
bataille", "conditions favorables pour le combat", qualités d'"un guerrier bon
pour le roi, bien digne du roi, qui est un ornement de roi", et ainsi de suite
- jusqu'aux maximes, comme celle-ci : "Mourir en bataille vaut certes mieux
que vivre en vaincu"" etc, etc...Ce qui me trouble le plus c'est que l'auteur
semble revendiquer pour l'occident (aryen) une filiation avec ce qu'il appelle
"l'ascèse aryenne", tout cela me semble dérisoire, il y a des différences
entre les races, on le voit à l'œil nu, mais l'important c'est l'environnement
culturelle, l'acquis, vouloir prétendre que seul le "bien né" a accès à
certaines sphères supérieures c'est s'enfermer dans une dialectique spécieuse
qui tient du dogme et non de la réalité. De plus sont attribués aux aryens des
traditions et des savoirs qui ne leur appartiennent pas, ils s'en sont
accaparés en tant qu'envahisseurs aussi cette "race de l'esprit" a du aller le
chercher chez d'autre ce fameux esprit.
Siddhârta misogyne
Il y a par contre certaines constantes chez les aryens, par exemple le
patriarcat et le culte de la virilité, Siddhârta n'y manque pas car il fait
preuve d'une misogynie bien réelle : "Le Bouddha considéra les femmes
insatiables en deux ordres de choses et susceptibles de mourir, sans avoir su
s'en libérer : la sexualité et la maternité. Il s'opposa maintes fois à
l'entrée des femmes dans l'Ordre : les ayant finalement admises, il en vint à
dire que, tout comme une rizière florissante ne prospère plus, lorsque vient à
y pénétrer et pulluler une herbe parasitaire, de même ne prospère plus la
sainte vie dans un Ordre qui consent à ce que les femmes, elles aussi,
renoncent au monde - et il s'efforça de limiter le mal en promulguant des
règles opportunes." D'autres expressions bouddhiques vitupèrent les femmes :
"séductrices et astucieuses, elles détruisent la noble vie", "elles sont
sensuelles, méchantes, communes, basses...Les femmes sont continuellement
prises par les sens. Imbues d'une ardeur impure et inexorable, elles
ressemblent au feu qui consume tout", "Digne de mépris est ce pays, qui est
dominé par une femme. Digne de mépris aussi cet être, qui se laisse dominer
par le pouvoir d'une femme". La doctrine originaire des ariyas était
absolument antigynécocratique. L'ordre féminin fut fondé par Mahâprajâpatî
Gautamî, belle-mère du bouddha, après la mort de son mari, grâce à l'aide
d'Ananda qui se le vit reprocher lors du premier concile des moines. Le
bouddha lui-même était hostile à la création d'un ordre féminin, car il
craignait pour la morale de sa communauté. La légende rapporte qu'il était
convaincu, en donnant son accord, de réduire la durée de vie de sa doctrine de
1000 à 500 ans. La vie des nonnes est plus sévère que celle des moines. Pour
tout ce qui concerne l'éducation et les décisions à prendre, elles dépendent
des moines. Pour devenir valable, l'ordination d'une nonne doit être
renouvelée devant l'ordre masculin. En aucun cas, une nonne ne peut faire de
remontrance à un moine. Même la doyenne des nonnes doit manifester son respect
envers le benjamin des moines. Les manquements punis d'exclusion sont beaucoup
plus nombreux chez les femmes que chez les hommes. Certaines fautes qui, chez
les moines, provoquent une suspension limitée dans le temps entraînent chez
les nonnes l'exclusion définitive. L'ordre féminin n'a jamais joué de rôle
déterminant dans la Sangha bouddhiste; le nombre des nonnes est insignifiant
par rapport à celui des moines.
Lutte de caste
Siddharta, comme les membres de sa caste, n'éprouvait que du mépris pour les
brâhmanes : "Le Bouddha est contre celui qui sait "seulement par ouï dire",
contre celui qui connaît "seulement la vérité par ouï dire" et qui, "pour
avoir ainsi entendu traditionnellement dire, comme un coffret que l'on se
passe de mains en mains, transmet la doctrine", dont, en de telles conditions,
il est toutefois impossible de garantir l'intégrité. C'est pourquoi se trouve
posée la distinction entre les ascètes et les brâhmanes, qui, seulement par
propre croyance professent d'avoir atteint la haute perfection de la
connaissance du monde : tels des raisonneurs et des palabreurs", et d'autres
ascètes et brâhmanes, qui, "en des choses jamais entendues auparavant,
reconnaissant en eux-mêmes la vérité, professent qu'ils ont atteint la haute
perfection de la connaissance du monde". Et c'est à ces derniers que le prince
Siddharta déclare appartenir, et c'est alors ce type qu'il indique, comme
exemple, à ses disciples : "Seulement sachant, il dit savoir; seulement
voyant, il dit voir"." Bien entendu, comme traditionnellement cela était
compris, la réalisation ascétique échappait à la ségrégation des castes, mais,
en réalité le bouddhisme se développa au sein de la caste des princes et des
guerriers et à aucun moment Siddharta n'a remis en cause le principe des
castes, surtout pour les castes inférieures et il ne fut jamais dit, par
exemple, qu'un serviteur - çûdra - ou un vaiçya ne devait obéir ou être
assujetti aux castes les plus élevées.
La pratique
La doctrine ne s'adresse pas aux laïcs, elle est réservée à ceux qui s'engage
dans l'ascèse, le bhikkhu doit renoncer au monde, briser les liens, mener une
existence solitaire d'errant et mendier sa nourriture, sauf pendant la saison
des pluies où il rejoint un monastère, toute spéculation morale ou
philosophique est prohibée, pas de contenu métaphysique, il faut briser
l'attraction samsârique (les dictionnaires spécialisés traduisent samsâra par
"le cycle des existences, suite de renaissances au sein des différentes
conditions d'existences", Evola le traduit par le "courant" et précise que le
terme n'apparaît qu'à une période relativement tardive) et atteindre le
nirvâna, mais Siddharta se refuse à toute déclaration sur le nirvâna. La
pratique du sîla, la "droite conduite" et des quatre jhanas (dhyâna en
sanskrit, méditation, état de recueillement mental résultant d'un effort de
concentration) doivent mener à l'extinction. Il faut éteindre le feu qui
consume tout individu, dukkha et tanha. On traduit généralement dukkha par
douleur, souffrance mais il semble qu'agitation, inquiétude, commotion
correspondent à sa signification doctrinale. Tanha c'est le désir, la
concupiscence, la soif. Ce sont les moteurs de l'existence samsârique, ils
déterminent l'anattâ, la non-appartenance-à-soi de n'importe quelle vie, et
qui, à quelque vie que ce soit, mêle l'altération et la mort. Le monde entier
est un brasier. " Et de quel feu brûle-t-il ? Du feu du désir, du feu de
l'aversion, du feu de l'aveuglement". Et comment quelqu'un pourrait comprendre
que l'expression de sa propre joie est dukkha, c'est-à-dire agitation,
souffrance, manie ? Pour cela il faut avoir atteint l'autre rive, où ayant
surpassé dukkha et tanha le sens profond et objectif de l'état antérieur
peut-être saisi.
La réincarnation
Quant à la réincarnation, il semble que l'idée qui prévalait en Inde du temps
de Siddharta a subit une transformation radicale : "C'est pourquoi la théorie
réincarnationiste doit être rejetée, et d'un double point de vue : en premier
lieu, du point de vue des êtres communs, samsâriques, car ce n'est pas le même
individu qui a déjà vécu ou qui vivra encore, mais bien le tronc de la
concupiscence, agissant en lui, et, sur un tel plan, un "Moi", vrai,
substantiel, n'existe pas. En second lieu, du point de vue de la vision
transcendantale, puisque, d'un tel point de vue , les "maintes existences"
peuvent seulement représenter un mirage, et, pour celui qui les contemple, on
ne peut plus parler d'un "Moi", vu que se trouve sur le point d'être brisée la
loi qui, du même tronc samsârique, pourrait faire s'épanouir une nouvelle
existence...il convient donc de se persuader que, malgré les opinions
cultivées en divers milieux, des idées de ce genre ne trouvent point de place
dans un sérieux enseignement traditionnel, tant oriental qu'occidental, et
encore moins dans le bouddhisme. De telles nuées ne font point partie d'un
"ésotérisme", mais de l'"exotérisme". Tout ce qui, dans le bouddhisme et dans
les traditions hindoues en général, peut faire supposer le contraire, se
rattache à la simple lettre des textes et à des formes populaires
d'exposition, lesquelles ont uniquement une valeur symbolique ou de
suggestion, proprement comme les crasses imageries du Purgatoire ou de l'Enfer
chrétien, en qui peut croire le petit peuple de chez nous." Le bouddhisme (anâtman)
nie la doctrine du Vedânta de l'âtman, du Soi immortel, car pour le bouddhisme
cela n'est pas une réalité présente en tout homme, mais un but à atteindre, et
encore exceptionnellement, grâce à l'ascèse. En fait pour beaucoup, le Vedânta
se rapporte à un état spirituel de la conscience humaine qu'il ne faut plus
espérer retrouver chez les hommes d'aujourd'hui, et qui n'existait déjà plus
au sein de l'humanité où prit naissance le bouddhisme. La doctrine telle
qu'elle a été énoncée par Siddharta est faite de rigueur et de renoncement,
sans appât métaphysique, sans justification altruiste, l'individu est face à
lui-même, dans le dénuement complet, à la recherche d'un détachement mental
indispensable pour réaliser l'extinction, c'est à préciser, car par la suite,
les interprétations et les ajouts vont transformer la doctrine.
Le Hînayâna ou "petit véhicule
A l'origine, terme négatif, dépréciatif, créé par les représentants du
Mahâyâna ("grand véhicule") pour désigner le "bouddhisme ancien". Les adeptes
du Hînayâna se réclament pour leur part du Theravâda, la seule école parmi les
18 écoles traditionnelles à avoir survécu jusqu'à nos jours. Pour ses adeptes
le Hînayâna, dont les écoles se développèrent de la mort du Bouddha au début
de notre ère, représente la Doctrine pure et originelle, telle qu'elle fut
prêchée par le Bouddha. Ses conceptions reposent essentiellement sur les Sûtra
qui restituent les paroles mêmes du Bouddha. Les règles de discipline
monastique sont contenues dans le Vinaya-Pitaka. Dans l'Abhidharma, troisième
partie du canon bouddhique (tripitaka), enfin, se trouve une analyse
systématique des enseignements contenus dans les sûtra. Le premier rôle du
Hînayâna est de montrer le chemin du salut. Point de spéculations
philosophiques : elles ont la réputation de gêner la progression spirituelle.
Toutes les écoles hinayanistes ont en commun une vision réaliste de
l'existence. La souffrance dont il convient de se libérer est considérée comme
réelle. La délivrance du douloureux cycle des renaissances (Samsâra) et
l'obtention du Nirvâna sont les buts suprêmes que l'on ne peut atteindre que
par ses propres forces, en se détournant du monde pour le transcender. En
outre l'adepte du Hînayâna est tenu de quitter le monde et d'adopter la vie
religieuse. L'accès au Nirvâna est impossible aux laïcs. Ces écoles
considèrent le Bouddha comme un personnage historique, un être humain et un
maître, mais pas comme une nature transcendantale. Les grands principes de la
pratique hinayaniste sont résumés dans le Noble Sentier octuple. D'un point de
vue mahayaniste, le Hînayâna est qualifié péjorativement de "petit véhicule"
parce qu'il vise uniquement la délivrance individuelle et non, comme le
Mahâyâna, le salut de tous les êtres. "
Le Mahâyâna ou "grand véhicule
"Le Mahâyâna, qui fit son apparition au 1er siècle avant J-C, se désigne
lui-même comme le "grand véhicule", car il ouvre la voie du salut à un grand
nombre d'hommes, en raison de sa diversité; il se sent la vocation de sauver
tous les hommes en dépassant le salut individuel. Le Mahâyâna attache moins
d'importance que le Hînayâna à la vie monastique; à la différence de
l'ancienne doctrine bouddhique, il accorde également aux laïcs la possibilité
d'accéder au Nirvâna, grâce à l'aide active des bouddhas et bodhisattva. Dans
cette nouvelle forme du bouddhisme, le Nirvâna ne signifie plus seulement
délivrance des contraintes du Samsâra, mais aussi prise de conscience de sa
propre rédemption intérieure et de son unité avec l'Absolu. Le Mahâyâna se
divisa en toute une série d'écoles différentes qui de l'Inde, gagnèrent le
Tibet, la Chine, la Corée et le Japon."
Finalement les différences entre petit et grand véhicule sont d'importances.
Contrairement à la doctrine originelle le grand véhicule s'est livré à la
spéculation philosophique et métaphysique, le Nirvâna, sur lequel Siddharta
estimait inutile de s'expliquer parce que peu d'individus sont susceptibles de
l'atteindre et que surtout eux seuls peuvent en comprendre les implications, a
été défini de tel sorte par le grand véhicule qu'en définitive, on peut dire
que Nirvâna=Samsâra. Le petit véhicule vise la délivrance individuelle, le
grand véhicule le salut collectif, elle se transforme donc en religion
missionnaire et missionnée, déresponsabilisante en quelque sorte.
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